Les enjeux de Marrakech Valéry Laramée de Tannenberg (Journal de l’Environnement)

Du 7 au 18 novembre, la COP 22 tentera de conforter la dynamique créée par l’entrée en vigueur, le 4 novembre, de l’Accord de Paris. Au menu des discussions: renforcement des ambitions climatiques nationales, transparence des flux financiers internationaux. Mais aussi ouverture à la société civile et sécurité alimentaire.
La cité impériale n’en est pas à son coup d’essai. En 2001, la porte de l’Atlas avait déjà accueilli une conférence des parties à la convention Climat. A l’époque, diplomates et experts avaient ciselé les mécanismes créés 4 ans plus tôt lors de la COP de Kyoto.
Cette fois, il s’agit de faire mieux. Beaucoup mieux. Car les politiques climatiques élaborées par les Etats ne permettent pas d’atteindre les objectifs fixés par l’Accord de Paris. L’an passé, les délégués nationaux s’étaient quittés en promettant de stabiliser le réchauffement à 2°C, voire 1,5°C d’ici la fin du siècle. Or les politiques esquissés nous conduisent, au mieux, à un réchauffement de 3°C environ. «Alors que le monde se retrouve à Marrakech, nous devons retrouver le sentiment d’urgence que nous avions il y a un an», plaide dans un communiqué Jim Yong Kim, le président de la Banque mondiale.
SUR LA VOIE DES 2°C
L’ampleur de l’effort à accomplir est connue. Globalement, la collectivité doit, au moins, abattre de moitié ses émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050. Pour les pays les plus industrialisés (responsables des désordres actuels), c’est la décarbonation quasi totale de leur économie qu’il faut viser à la même échéance. Conclusion: les gouvernements devront muscler leur contribution nationale (NDC), en vue de leur premier audit international, prévu pour 2018. «Nous devons mettre en œuvre les actions complémentaires qui nous remettrons sur la voie des 2°C», avance Paula Caballero, directrice du programme Climat du World Resources Institute (WRI, un think tankaméricain).
Des annonces en ce sens sont d’ailleurs attendues. Quelques heures avant l’élection du 46eprésident américain, l’administration Obama devrait dévoiler les axes de sa politique à long terme. Le gouvernement allemand pourrait faire de même.
JETER DES PASSERELLES
Cela va sans dire, Marrakech II ne règlera pas tout. Hakima El Haïte, la ministre de l’environnement du Maroc s’est fixé des priorités claires et raisonnables: faire travailler ensemble Etats et acteurs non étatiques (entreprises, collectivités, ONG). Les premiers étant aux commandes de la négociation, les seconds étant les principaux émetteurs et, à ce titre, ceux qui devront mettre en œuvre les mesures issues des COP. La ‘championne’ du climat veut aussi que les pays riches, qui ont promis de verser 100 milliards de dollars par an aux pays vulnérables aux conséquences du réchauffement dès 2020, précisent les façons dont ils financeront leur apport. Et l’utilisation qui devra être faite de cette manne. «Entre le public et le privé qui paiera quoi? Et quelle sera la part affectée à l’adaptation et à l’atténuation», s’interroge-t-elle.
CLARIFIER LES ENGAGEMENTS
Certains veulent poser des sujets que les COP laissaient plutôt de côté jusqu’à présent. «La plupart des NDC comprennent des mesures en faveur de l’agriculture et de la forêt. Or, ce sont deux sujets fondamentaux, souligne Craig Hanson, en charge de l’alimentation, la forêt et l’eau au WRI. Tendre vers la déforestation zéro, c’est contribuer à la baisse des émissions de gaz à effet de serre. Promouvoir l’agroforesterie, c’est aussi renforcer la sécurité alimentaire.»Les officiels français profiteront d’ailleurs de la COP pour présenter à l’international l’Initiative 4 pour 1.000. De son côté, le gouvernement marocain assurera la promotion du Triple A. Cousine de la française, elle vise à faire converger les politiques africaines agricoles et d’adaptation. Ou comment renforcer la sécurité alimentaire sous un climat plus chaud et plus sec.